Ce que cette étude nous apprend
- Étude quasi-randomisée contrôlée au sein d’un département de médecine interne d’un hôpital dans la ville de Murcia en Espagne.
- Échantillon de 249 patients présentant une insuffisance rénale et prenant au moins un médicament néphrotoxique dans leur traitement pharmacologique, dont 124 patients ont été répartis dans le groupe contrôle et 125 patients ont bénéficié de l’intervention.
- À l’admission des patients du groupe intervention, le pharmacien effectuait une histoire médicamenteuse en se référant au dossier médical et effectuait des entrevues avec les patients et les prescripteurs afin d’analyser la thérapie médicamenteuse. Le pharmacien déterminait si les médicaments néphrotoxiques étaient appropriés pour le patient en vérifiant, entre autres, les doses et les durées de traitement. S’ils n’étaient pas appropriés, le pharmacien contactait dans les premières 24 à 48 heures après l’admission des patients le médecin traitant afin d’ajuster la dose ou encore de cesser le traitement. Le pharmacien analysait tout au long de l’hospitalisation les résultats de laboratoire et/ou les changements de thérapie médicamenteuse afin d’identifier des problèmes pharmacologiques pouvant avoir un impact sur la néphrotoxicité.
- Pour le groupe contrôle, une vérification de la clairance à la créatinine a été effectuée au moment de l’admission et au congé. Les patients recevaient les soins usuels par le médecin traitant (sans pharmacien) tout au long de l’hospitalisation.
- 329 prescriptions de médicaments potentiellement néphrotoxiques ont été identifiés dans le groupe intervention, dont 88 (27%) n’étaient pas correctement ajustées. 88 recommandations ont donc été envoyées à l’équipe médicale traitante : 65 (73,9%) ont été acceptées.
- L’intervention a diminué le pourcentage de médicaments potentiellement néphrotoxiques non ajustés de 26,7% (88/329) à 6,9% (23/329).
- Les médicaments les plus souvent ciblés par l’intervention du pharmacien étaient les quinolones, les beta-lactames, la ranitidine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et l’allopurinol.
- Différence relative* de la clairance à la créatinine du groupe intervention vs groupe contrôle : +19,9mL/min (p < 0,05).
- Différence de créatinine* sérique du groupe intervention vs groupe contrôle : -0,36 (p < 0,01).
- Différence relative de la clairance à la créatinine pour les patients présentant une insuffisance rénale de stage 3 est de +16,6mL/min dans le groupe contrôle et de 14,5mL/min dans le groupe intervention (différence non significative).
- Différence relative de la clairance à la créatinine pour les patients présentant une insuffisance rénale de stage 4 ou 5 est de 16,1mL/min dans le groupe contrôle et de 36,6mL/min dans le groupe intervention (p < 0,05).
*Ajustée pour les variables suivantes : stage d’insuffisance rénal, sexe, mesure de base de la fonction rénale, âge
Ce que nous savions déjà
- Le rôle et les retombées du pharmacien dans la prise en charge de l’insuffisance rénale sont relativement bien documentés. Des études sur la prise en charge des médicaments chez les patients présentant de l’insuffisance rénale en milieu hospitalier ont déjà été publiées : PMID11422633, PMID21719712, PMID19776297.
- On peut consulter le site Impact Pharmacie, en particulier la fiche synthèse «Insuffisance rénale».
Ce qu’on se pose comme questions
- Est-ce que les résultats observés sont maintenus ou même améliorés à long terme?
- Est-ce que les résultats observés seraient les mêmes en utilisant une formule différente pour le calcul de la clairance à la créatinine (MDRD, Cockcroft-Gault…)?
- Étant donné que tous les médicaments ayant une mention de néphrotoxicité dans leur monographie ont été considérés comme des médicaments potentiellement néphrotoxiques peu importe la fréquence ou la sévérité, quel impact aurait la stratification de la néphrotoxicité sur les résultats?
Ce que vous pouvez notamment faire
- Analyser les dossiers patients présentant une insuffisance rénale afin d’identifier les problèmes médicamenteux liés à la néphrotoxicité et de les corriger.
- Faire un suivi des patients présentant une insuffisance rénale afin d’ajuster les médicaments selon la fonction rénale.
- Instaurer un poste de pharmacien dans le département de médecine interne.
Auteurs : Roxanne Lessard-Hurtubise
Création : 21 octobre 2016