Protocole de sevrage de la dépendance aux opioïdes en néonatalogie: méthadone ou teinture d’opium diluée?

Johnson MR, Nash DR, Laird MR, Kiley RC, Martinez MA. Development and implementation of a pharmacist-managed, neonatal and pediatric, opioid-weaning protocol. J Pediatr Pharmacol Ther. 2014 Jul;19(3):165-73.

Ce que cette étude nous apprend

  • Étude avant-après prospective, menée dans les services de soins intensifs en néonatalogie et pédiatrie d’un hôpital pour enfants à Colorado Spring, aux États-Unis.
  • Nouveau-nés ou prématurés ayant été exposés in utero aux opiacés ou ayant eu une dépendance iatrogène aux opiacés, pris en charge par un médecin ou par un pharmacien.
  • Les patients du groupe contrôle (n=53) ont été pris en charge par un médecin pour traiter leur syndrome de sevrage. Ces cas ont été étudiés de manière rétrospective. Parmi ces patients, 31 ont reçu de la méthadone (groupe RetroMeth) et 22 ont reçu de la teinture diluée d’opium (groupe RetroOpium). Les patients du groupe intervention (n=54) ont tous reçu de la méthadone pour traiter le syndrome de sevrage selon le protocole mis en place par le pharmacien. Ces cas ont été analysés de manière prospective ( groupe ProspMeth). Le pharmacien était responsable de la prescription de la méthadone et de la collecte quotidienne des données cliniques du patient. Le pharmacien évaluait la dose initiale nécessaire, les intervalles de doses et gérait la diminution progressive des doses. Pour les deux groupes, les chercheurs ont comparé la durée et la sévérité du syndrome de sevrage. Ils ont utilisé les scores de Finnegan et OBWS (Opioid and Benzodiazepine Withdrawal Score), définissant un syndrome de sevrage si le score est supérieur à 12 une fois ou supérieur à huit à trois reprises.
  • Pour les patients exposés in utero, la durée moyenne du sevrage entre les groupes ProspMeth (11,7 jours) et RetroMeth (47 jours) n’a pas été significativement différente, p=0,101.
  • Pour les patients exposés in utero, la durée du sevrage a été significativement plus courte dans le groupe ProspMeth (11,7 jours) versus RetroOpium, p<0,001.
  • Pour les patients ayant eu une exposition iatrogène, la durée moyenne du sevrage entre les groupes ProspMeth (8,69 jours) et RetroMeth (9,82 jours) n’a pas été significativement différente, p=0,34.
  • Pour les patients ayant eu une exposition iatrogène, la durée moyenne du sevrage entre les groupes ProspMeth (8,69 jours) et RetroOpium (14 jours) n’a pas été significativement différente, p=0,34
  • On retrouve 2.05 fois un score supérieur à 12 dans le groupe pris en charge par le pharmacien et 17.3 fois un score supérieur à 12 dans le groupe pris en charge par le médecin avec de la teinture d’opium diluée. La différence est statistiquement significative, p=0,008.
  • On retrouve 2.05 fois un score supérieur à 12 dans le groupe pris en charge par le pharmacien et 74.3 fois un score supérieur à 12 dans le groupe pris en charge par le médecin avec de la méthadone. La différence est non statistiquement significative, p=0,119.
  • On retrouve 2.89 fois un score supérieur à 8 trois fois dans le groupe pris en charge par le pharmacien et 11.9 fois dans le groupe pris en charge par le médecin avec de la teinture d’opium diluée. La différence est statistiquement significative p=0.01.
  • On retrouve 2.89 fois un score supérieur à 8 trois fois dans le groupe pris en charge par le pharmacien et 24 fois dans le groupe pris en charge par le médecin avec de la méthadone. La différence est statistiquement significative, p<0.001.
  • Pour les patients exposés in utero, l’utilisation d’un agent additif (lorazepam) pendant le sevrage est significativement plus fréquente chez les patients pris en charge par le médecin par rapport aux patients pris en charge par le pharmacien (ProspMeth versus RetroOpium : p=0.002, ProspMeth versus RetroMeth: p=0.023). Pour les patients ayant eu une exposition iatrogène, il n’y a pas de différence significative en ce qui concerne l’utilisation d’un agent additif (p=0,584, p=0,319)

Ce que nous savions déjà

  • Il existe peu de documentations et de retombées sur le rôle du pharmacien en néonatalogie. Quelques études recensent son implication dans l’évaluation de la pharmacothérapie et dans l’enseignement à l’extérieur du département de pharmacie.
  • On peut consulter le site ImpactPharmacie ainsi que la fiche synthèse «Néonatalogie».

Ce qu’on se pose comme question

  • La méthadone et la teinture diluée d’opium ayant des caractéristiques pharmacocinétiques différentes, est-il pertinent de comparer les groupes ProspMeth et RetroOpium?
  • Les nouveaux-nés ayant été exposés in utero ont nécessité parfois l’adjonction d’un traitement par lorazépam en cas d’agitation, ceci peut-il interférer avec l’évaluation de la durée du sevrage et des scores de Finnegan et OBWS?
  • Le recrutement des patients qui ont eu une exposition iatrogène dans deux unités différentes (néonatalogie et pédiatrie) n’est-il pas source de biais ? N’aurait-il pas fallu faire deux sous-groupes?
  • L’allaitement des nouveaux-nés exposé in utero aux opiacés était maintenu même si la mère était traitée par opioïdes. Les résultats auraient-ils étaient les mêmes si l’allaitement avait été interrompu?

Ce que vous pouvez notamment faire

  • Évaluer la possibilité de mettre en place un programme de gestion des syndromes d’abstinence suite à une exposition aux opiacés dans votre service de néonatalogie.
  • Évaluer la possibilité de ne plus prescrire de teinture diluée d’opium pour la prise en charge des syndromes de sevrage chez le nouveau-né.
  • Évaluer l’intérêt et les retombées des protocoles mis en place par les pharmaciens.

Auteur: Dorine Fournier

Relecteur: Mylène Breton

Création: 21 juillet 2015

Publication: 30 décembre 2015

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